De ce qui nous construit

En vérité, peu de gens s’introspectent. Il est rare qu’on se penche sur nous-même, de manière réfléchie j’entends. Je crois que nous sommes beaucoup à avoir eu quelques moments où nous nous déifions intérieurement. Où on se dit « oh, que je suis formidable, sur ce coup franchement, je suis content de moi, comment j’ai assuré grave-trop-cool-tip-top-wesh t’as vu ! (riiiight) »

Mais peu se sont penchés sur qui ils sont. Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où voulé-je aller ? C’est vrai que dit comme ça, tout de suite, ça fait un peu prétentieux. En vrai, on n’a pas le temps pour cela. On est bien trop occupé à rendre ce-truc-super-important ou bien trop occupé à penser à ce-problème-bien-trop-insoluble-à-mon-goût.

Et je crois que tant qu’on n’y est pas forcé, on ne pense jamais vraiment à ce genre de sujets. Ou alors on ne le fait que le soir, quand on est pris d’une humeur lyrique ou bien un brin philosophique. Pendant 10 minutes avant de s’endormir.

Sauf quand on y est forcé.

Il était une fois, je fus contraint à l’alitement durant une période relativement longue. Il y existe plus long, mais bon. Pour moi, un mois, c’était long.

C’est plein de mots compliqués inutile au propos – et de toutes façons ils ont tous au moins 4 syllabes, c’est pour dire. En résultat, des branchements de partout et pas de mouvement. Surtout, pas de mouvement, sinon… Enfin bref, parce que c’est gage de bon rétablissement voyez. Ou alors des mouvements comme si on était tout près de la fin parce qu’on a mal partout, voyez ?

Cet immobilisme m’a été terriblement frustrant. Parce qu’on ne peut rien faire. Sauf peut-être s’abasourdir d’une télévision qu’on a trop de mal à suivre, entre douleur et traitements contre. Et comme vous avez remarqué ACRIMED dans mes liens, vous vous douterez que la télé, c’est pas mon dada. J’ai l’esprit critique(ur).

C’est un détail qui m’a fait accepter cet immobilisme. L’obligation de dormir sur le dos (n’avais-je pas dit « pas de mouvement » ?), alors que je n’en ai pas du tout l’habitude, vu que ça fait ronfler. Et vous voyez, un renard qui ronfle, c’est pas très élégant, raison pour laquelle je ne dors jamais sur le dos. Sauf que là, pas le choix, ça devenait une raison d’état (de santé). (Mais je ne crois pas avoir ronflé, ou bien je dormais trop profondément pour m’entendre.)

Comme par définition, un patient patiente, le problème s’est posé là, devant moi, bien fier devant. C’était écrit en gros, sous la télé suspendue au mur, et aussi encore plus gros dehors, au loin, de l’autre côté de la fenêtre ; et puis en travers sur la porte dont je souhaitais qu’elle me surprenne en s’ouvrant : « Que vais-je faire de tout ce temps ? »

J’ignore le rapport que vous maintenez avec le temps, mais pour ma part je cours souvent après. Une idée jouissive qui m’est venue à l’époque : Maintenant, Temps, tu es à ma disposition, et ce n’est plus l’inverse (mouhahaha, vengeance !).

J’ai été le premier surpris à me voir passer plus d’une heure complète (et je n’exagère rien) à ne rien faire d’autre que respirer calmement et laisser mon esprit vagabonder. C’est d’ailleurs en laissant mon esprit vagabonder que j’obtenais les nouvelles idées lorsque je souhaitais en trouver, plutôt qu’en les cherchant.

Cela m’a donné une certaine appréciation du temps, m’a fait acquérir la patience. En vérité, dans la plupart des cas, il ne sert absolument à rien de savoir quelque chose à la seconde où elle s’est produite, cela n’apporte aucun intérêt. Cela donne un certain recul. Vous fait comprendre que beaucoup de choses qui semblent très urgentes, ou très importantes, peuvent bien attendre.

Alors puisque que j’avais tant d’heures devant moi, et même des jours entiers, je me suis servi. Je m’en suis servi pour me poser ces fameuses questions. N’espérez pas en avoir les réponses, ce sont les miennes et je les garde jalousement. Vous n’avez qu’à dépenser votre propre temps pour les avoir. Vous n’avez qu’à prendre votre propre temps. Vous l’approprier. Vous en servir. Et comprendre que tous ces gens, autour de vous, qui courent après, le font presque toujours pour des broutilles.

Lorsque la blouse blanche vous demandera « On vous a expliqué ? Vous n’êtes pas passé à grand chose. On vous l’a dit ça, hein ? », votre réponse, peut-être, sera empreinte du fait que vous avez réalisé, en faisant votre rétrospective, que vous avez déjà vécu. Que vous avez déjà fait. Qu’en fait, et si tout devait s’arrêter maintenant, tout de suite, et bien tant pis, ça sera comme ça et au moins vous saurez ce qu’il y a après la mort. Mais que si ça doit continuer, et bien soit. Mais alors, sans s’attacher à des futilités, et que notre temps serve pour ce qui nous importe, réellement.

C’est, je crois, une portion de la sagesse des personnes très âgées, qui ne bougent pas beaucoup parce que ça fait mal partout, pour qui rien ne presse vraiment. Ces personnes imposent leur temps ; parce qu’elles ont compris que la vie s’impose à eux.

Si on ne choisit ni les notes, ni le tempo avec lequel elles nous tombent dessus, rien ne sert de se débattre dans tous les sens. Il suffit d’écouter la musique, et de composer avec.

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