Je n’apprécie pas spécialement parler politique. Car la politique est malheureusement un sujet qui emporte beaucoup d’amitiés ; c’est un sujet sensible et qui nous tient souvent à coeur.
Il y a déjà eu beaucoup de chroniques, d’écrits, de discours, d’interventions sur ce sujet. Des questions rhétoriques aux remarques incisives, en passant par les argumentaires fougueux et les réponses emportées ; beaucoup de choses ont étés dites.
Puis, on a parlé des enfants. Et je n’ai nul part entendu ce que j’aurai souhaité qu’on dise.
On a parlé du droits des enfants. De la protection des enfants.
On a parlé des enfants qui seraient adoptés par des couples homosexuels ; qu’ils n’auraient pas ce dont ils ont besoin pour leur construction. Je comprends cette inquiétude, elle est logique pour notre société qui n’a pas de couples homosexuels dans sa tradition. Je ne souhaite pas me positionner dessus.
On a répondu en parlant des enfants qui ont déjà des parents homosexuels, et qui sont rejetés par le regard social qu’on leur porte, pour la même raison. Je comprends cette inquiétude, fondée et constatée. Je ne souhaite pas non plus me positionner dessus.
Les journalistes ont fait parler des enfants de parents homosexuels qui sont aujourd’hui hétérosexuels. Ils prennent la parole pour expliquer que cela ne leur a pas posé de problème pour leur orientation sexuelle ou leur développement personnel.
J’aurais bien aimé que ces journalistes parlent d’autres enfants. Ceux qui, bien plus nombreux, ne s’expriment pas. Ces enfants à qui on a appris à se taire. Ces enfants que l’on retrouve dans les services hospitaliers, accueillis aux urgences.
Ces jeunes garçons et ces jeunes filles qui ont plusieurs bleus plus que suspects dont les soignants savent l’origine, mais ne peuvent rien faire car « il s’est cogné en tombant ».
Mais aussi tous ces enfants, que l’on ne verra jamais dans les services hospitaliers.
Tous ces enfants, qui restent toujours discrets, ceux dont la souffrance peut être physique, mais qui sera aussi toujours psychique.
Ceux qui ont des problèmes de développements, non pas parce que l’homosexualité de leurs parents ne leur offre pas ce dont ils ont besoin, mais parce que la folie de leurs parents hétérosexuels les détruit. Ceux à qui on ne cesse de répéter qu’ils ne sont que des bons à riens, des raclures, des ersatz d’être humain, des chiens, et tant d’autres qualificatifs indignes de parents — indignes d’adultes.
Ces petits êtres humains à qui on a volé l’enfance. Qui souffrent, invisibles et muets par la peur. Et qui souffrent de leur mutisme autant de ce qu’ils subissent ou ont pu subir. Qui souffriront encore du regard qu’on leur portera lorsqu’ils sortiront de leur mutisme, s’ils y arrivent.
Et qui mettront bien souvent une vie entière pour se reconstruire, lorsque c’est possible.
Que nos députés s’inquiètent de la santé psychologique de la progéniture de parents homosexuels c’est bien, mais peut-être pourraient-ils d’abord s’inquiéter de celles de couples hétérosexuels.
Car une personne hétérosexuelle n’aura jamais aucune autorisation à demander pour avoir un objet vivant à sa disposition pour lui faire subir sa psychopathologie.